Liberté Egalité Fraternité NormandieLiberté, Egalité, Fraternité : c’est la devise de la République. Cette devise a été remise en cause lorsque notre démocratie a vacillé : sous le Second Empire, sous le régime de Vichy…
A y regarder de près, ces valeurs -auxquelles on ajoute volontiers aujourd’hui la Laïcité- sont bien fragilisées. Et cela doit nous interpeller.
La Liberté en premier lieu ! Bien sûr, nous y tenons. Mais nous savons aussi que de nombreux citoyens, souvent parmi les plus jeunes, ne s’opposent pas à l’idée, par exemple, d’un homme fort à la tête de l’Etat. Et c’est une tendance qui fait, malheureusement, florès aujourd’hui dans le monde.
L’Egalité et la Fraternité ? Notre société a vu de grands courants qui nous offraient un cadre social fort -tels des religions ou le communisme- connaître de sérieuses remises en cause.


Le capitalisme s’est imposé en privilégiant la liberté d’entreprendre, et, son objectif est clairement la recherche du profit. D’où la place déterminante du capital au dépend trop souvent du travail, le développement de la marchandisation et de l’individualisme. Autant de caractéristiques qui nous éloignent objectivement des notions d’Egalité et de Fraternité. Quant à la Laïcité, elle est parfois brandie pour tenir lieu de bouclier face à l’avancée du communautarisme - il est vrai préoccupante, pour nous Français, qui souhaitons privilégier l’intégration - De fait, le communautarisme pose problème lorsqu’on est attaché à la citoyenneté républicaine car il favorise le repli identitaire.
Or si nous voulons avancer, réformer notre pays, engager de grands projets pour préparer notre avenir, il nous faut nous rassembler, sur la base de nos valeurs et non cultiver nos égoïsmes et nos divisions à tous les niveaux ; il est aussi nécessaire d’avoir le courage d’affronter les réalités, d’enseigner également sans crainte notre histoire ( pour mémoire, en 2025, 46% des jeunes de 18 à 29 ans n’auraient pas entendu parler d’holocauste ou de la shoah…) , et, de défendre enfin résolument notre démocratie...
En avons-nous véritablement, en France comme en Europe, la volonté dans un monde qui choisit aujourd’hui trop souvent le rejet de l’autre, l’autocratie, la loi du plus fort ?


« De la Démocratie en Amérique »… d’hier et d’aujourd’hui.
Alexis de Tocqueville, qui a donné son nom à notre médiathèque caennaise, est l’auteur d’un livre notoirement reconnu sur la jeune démocratie américaine. Sa perspicacité et son analyse de la démocratie naissante « outre atlantique » gardent largement et étonnamment toute son actualité malgré les changements qui ont bouleversé notre monde depuis deux siècles.

Précurseur de la sociologie et de la science politique, Tocqueville a tâché de cerner les traits dominants de cette première société démocratique. Parti étudier, il y a près de deux cent ans, la jeune démocratie américaine pour le compte du gouvernement français, il fera quelques constats qui restent encore aujourd’hui très pertinents.
La Républicaine américaine est la seule démocratie du monde car le peuple, écrira-t-il, nomme « celui qui fait la loi et celui qui l’exécute, lui-même forme le jury qui punit les infractions à la loi. C’est donc réellement le peuple qui dirige » par l’intermédiaire de ses représentants. Et il ajoute que le processus d’égalisation des chances - qui s’oppose à l’organisation des sociétés hiérarchisées en Europe - et son corollaire, l’individualisme, marquent cette société naissante. Mais il ajoute que la liberté individuelle des citoyens n’est rien sans la liberté politique et d’ailleurs qu’il n’est pas de démocratie sans citoyens actifs. Il est conscient du danger de l’individualisme qui entraîne une déliquescence du lien social, de l’intérêt pour la chose publique. Toutefois, il est fasciné par le tissu associatif, municipal et communautaire qui accorde en définitive aux citoyens un certain pouvoir au quotidien… Et qui constitue ainsi un véritable contre-pouvoir face à la tyrannie de la majorité. Remarquons tout-de-même que ces assemblées n’étaient guère ouvertes qu’aux personnes les plus fortunées et les plus instruites ! De surcroît, constate Tocqueville, les américains se méfient de la puissance publique, de l’Etat qui n’est qu’un mal nécessaire. Enfin, Tocqueville regarde également avec vraie méfiance le suffrage universel : le peuple préférant des charlatans séduisants à des hommes ayant fait leurs preuves…
Pour lui, le succès de la démocratie américaine tient à son alchimie entre deux dynamiques opposées : la décentralisation administrative et le centralisme gouvernemental. Or il constate que ce centralisme tend à s’imposer dangereusement. Et il soulève une question grave : « que reste-t-il de démocratique dans les sociétés où les gouvernements, élus à la majorité, poussent les citoyens à se désintéresser de la chose publique, à renoncer à leur condition de citoyens »… Aussi Tocqueville insiste-t-il sur l’importance de la Séparation et de l’Equilibre des Pouvoirs ! Ces principes restent toujours d’actualité au regard des actuelles pressions du président américain sur les médias et la justice. Un autre danger menace la démocratie d’après Tocqueville : c’est la tyrannie de l’opinion ! Les « lieux communs » affirme-t-il (que l’on pourrait traduire de nos jours par la « pensée unique ») se substituent à la vérité, en se prenant pour la vérité elle-même. L’actualité de la pensée de Tocqueville reste bien réelle lorsqu’on songe, notamment, combien internet et les réseaux sociaux fabriquent aujourd’hui l’opinion. Via les « fake news » si souvent…
Les peuples, même maltraités, se réveillent parfois courageusement, ici et là. Pour autant la Démocratie reste partout et toujours un combat à mener.

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